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Les actualités de
Monsieur Légionnaire

Georges J. AILLAUD n'est plus

À Georges JULIEN AILLAUD

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Le Carré des Écrivains battait son plein et bruissait au chant des pages feuilletées par les visiteurs ce samedi dernier 29 novembre pour sa 33ème  édition accueillant 108 auteurs : « historiens, romanciers, biographes, chroniqueurs, journalistes, photographes, poètes, dessinateurs … », tous amoureux de Marseille.

Cette grande manifestation culturelle, unique en France, est selon l’expression même du Comité présidé par Yves Davin «  un rendez-vous avec Marseille ».

Le soir même de ce samedi Georges Aillaud, durant tant d’années si brillant président du Comité du Vieux-Marseille, quittait ce monde. Il est de ces coïncidences!  

« Je te survivrai au delà de moi … »

Une chanson de Jean-Pierre François  datant de 1989.  

Cher Georges, ta mémoire survivra dans les cœurs des marseillais et de ceux qui ne le sont pas mais qui t’ont connu ;  dans le cœur de tous ces hommes et femmes, si nombreux, si fidèles, tes adhérents, tes amis, que tu réunissais pour tant de conférences au siège du boulevard Longchamp, toujours rempli jusqu’à la dernière chaise.

Ces quelques lignes ne sont pas un hommage. Il sera donné par le Comité du Vieux-Marseille lui-même. Cela lui revient. Ces lignes sont un chant d’amitié pour un ami, pour un homme, un scientifique, un universitaire, maître de conférence à la Faculté de sciences de Saint-Charles, professeur à Luminy, qui consacra sa vie à la science botanique et à Marseille. J’ai sous les yeux une de tes publications : La Botanique en Provence - le Père Louis Feuillée (1660-1732). 

Tu as intitulé un des chapitres : Une vie bien remplie. Je reprends pour toi l’intitulé de ton chapitre.

Et combien as-tu consacré ton énergie à la défense du patrimoine alors que tant se sont tus et se taisent encore.

Si l’homme n’a qu’un cœur, il possède deux cordes vocales. Georges possédait deux passions :

-       La musique, le chant, l’opéra. Passion partagée avec sa chère épouse, fille de Gustave Moutte, capitaine au long cours et passionné de marine et de voile.

-       Marseille, son histoire, son patrimoine et, contre vents et marées, contre l’indifférence des uns ou les oppositions parfois violentes des autres, il tenait bon. Intellectuel, Georges était un combattant, un combattant pour le patrimoine. Comme l’était Victor Hugo. Il tenait bon, il résistait. Sa parole toujours réfléchie, toujours équilibrée ne fléchissait jamais. Marseille, son histoire, son patrimoine, ses bâtiments devaient être préservés. 

Sa parole se doublait de l’écriture. Écrire, c’est combattre sur le champ d’honneur de l’intelligence.

 Et Georges écrivait : il écrivait dans la Gazette du Comité du Vieux-Marseille, remarquable Revue, si riche, un trésor. Il écrivait et il faut citer son ouvrage « Marseille, un terroir et ses bastides » (collectif).

Cher Georges, tu m’avais appelé au Conseil d’administration du Comité. Tant de rencontres avec des amis ; je n’en citerai que deux (sinon nous sommes encore là demain matin) :

- Adrien Blès qui présida le Comité et, dans une époque difficile, le ressuscita  glorieusement,

- Jacques Mouton, qui m’a annoncé le départ de Georges, l’historiographe et le cinéaste illustrissime du Comité.

Georges, tu as formé les étudiants tout au long de ta carrière universitaire ; tu as éveillé les consciences de tant d’hommes et de femmes à la protection du patrimoine, à notre histoire. Te souviens-tu quand nous avions reçu à Longchamp l’amiral François Flohic, aide de camp du Général de Gaulle ? C’était le 23 juin 2016. Que de souvenirs, Georges ! 

 Alors que l’âge t’imposait de demeurer chez toi au milieu de tes souvenirs, tu me disais :

« Je relis tes contes, celui de Dame Requin bleu et je ris ».

Georges, tous ceux qui t’ont aimé pleurent. Ta forêt bien aimée, là-bas, tes arbres, pleurent aussi. Ils ont perdu leur gardien.

« Ne soyez pas tristes de l’avoir perdu. Soyez heureux de l’avoir connu ».

Le 1er décembre 2025
Jean-Noël BEVERINI  
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Avis de décès
C'est avec tristesse que nous apprenons le décès de M. Georges Julien AILLAUD, Maître de Conférence HDR de l'Université de Provence survenu samedi 29 novembre 2025 à l'âge de 87 ans.
Membres de l'AACLE, Goerges et Arlette sont venus en pèlerinage avec nous en Terre Saint via l'Egypte, Sinaï, Jordanie, Palestine et Israël.
Il était chevalier de l’Ordre National du Mérite et de Palmes Académiques.
La cérémonie religieuse aura lieu à Miribel Valherbasse vendredi 5 décembre 2025, à 14h30, 
Une cérémonie du souvenir aura lieu au comité du Vieux Marseille, 31 bd Longchamp, Marseille 1e, jeudi 11 décembre 2025 à 18h.
Nous serons représentés par notre ami commun Jean-Noël BEVERINI.
Le Président et les membres de l’AACLE présentent leurs condoléances à la famille du défunt,
Lcl Constantin LIANOS, Président-fondateur de l’AACLE.
 
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Défendons et sauvons notre patrimoine
Carrière antique (Vème s. avant JC) de la Corderie à Marseille
A la suite du projet contesté d’un ensemble immobilier (Groupe Vinci) le long de l’avenue de la Corderie, les fouilles préventives faites par l’INRAP, ont mis à jour une carrière antique exceptionnelle du Vème siècle avant J.C…. la polémique repart de plus belle.
A-t-on oublié le combat qu’il a fallu mener pour que ce ne soit pas un parking de 2000 places qui remplace les vestiges de la Bourse ? Avons-nous déjà oublié les phrases indignes proférées par certains élus, comme le maire Gaston Defferre, contre les « quatre petits cons d’archéologues » (cf. La Provence du vendredi 16 juin 2017, article p. 8 signé Nicolas Bacquet) ?
Regrettons-nous, aujourd’hui, cette décision d’avoir conservé in situ les « vestiges » ? Regrettons-nous que l’on ait investi dans la culture avec notre magnifique musée d’histoire ?
Cette nouvelle découverte est un jalon important dans la connaissance de cet espace périurbain moins d’un siècle après la fondation de la ville, situé à moins de 300 mètres des carrières de Saint-Victor et encore plus proche du site fouillé en 1992 (A. Richier et Ph. Mellinaud) et en 1993 (Ingrid Sénépart) au 96-100 rue Sainte. Sur ce site ont été découvert : un établissement du IIème siècle avant J.C., les traces d’une carrière et un aqueduc du 1er siècle avant J. C. ! En conclusion du rapport : « Les fouilles de la rue Sainte ont surtout permis de reconnaître une partie de la topographie antique de la rive sud du Lacydon, ainsi qu’une partie de l’espace périurbain totalement méconnu de la ville antique ».
Par ailleurs, la conclusion du pré-inventaire archéologique de Marseille sur les fouilles de Saint-Victor (p. 633) est la suivante : « Les différents indices de datation réunis… inclinent donc à fixer l’essentiel de l’activité architecturale et funéraire à Saint-Victor, à partir de la seconde moitié du  Vème siècle au plus tôt ». Donc, la carrière de la Corderie est contemporaine de cette activité ! Allons-nous garder de ce jalon précieux de notre histoire, seulement des relevés, un beau rapport et quelques pierres sur une étagère d’un dépôt archéologique… et laisser raser le site sans rien dire ?
Marseillais et amis du patrimoine réveillez-vous !
Au fait, où sont passés les gradins du théâtre antique de Marseille (classé monument historique) emportés par un camion et dans quelle décharge ?
Georges J. Aillaud, Président au Comité du Vieux-Marseille
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LES ÉVIDENCES OUBLIÉES
Marseille déboussolée ; Marseille fracturée, ce Marseille qu’on « a-Grèce »
        (NB : « a » privatif)
« Les épées seront dégainées pour démontrer que les feuilles sont vertes en été ». Gilbert Keith Chesterton (1874-1936) 
   *
Chères et chers amis,
Le site grec antique de la Corderie à Marseille peut être appréhendée sous plusieurs aspects : émotionnel, poétique, archéologique, historique, scientifique … De nature différente, toutes ces lectures du site ont chacune une valeur profonde et estimable. Le seul regard non estimable est celui qui conduit à sa destruction. 
 
L’ÉMOTION PATRIMONIALE
Pour certaines et certains d’entre nous, ce site grec unique en France et sur l’ensemble  du pourtour méditerranéen est générateur d’une émotion patrimoniale de grande résonnance. Cette émotion peut être qualifiée d’internationale puisque, aux côtés des marseillais, des habitants de tant de villes de France, d’Europe et hors d’Europe se joignent à la voix des marseillais pour réclamer la préservation et la valorisation intégrale du site de la Corderie.
Il est remarquable qu’un site archéologique vieux de 26 siècles suscite aujourd’hui une telle mobilisation, la votre. Cette mobilisation manifeste le refus d’être « dépossédé » d’un site créateur d’Histoire, non pas seulement marseillais mais occidental.
 
L’EBLOUISSEMENT POÉTIQUE
J’ai déjà souligné la beauté du site aux rayons dorés du soleil couchant donnant à la carrière l’image d’une véritable cathédrale de calcaire dressée sur la pente douce de la colline de Notre-Dame de la Garde. Le président du Comité du Vieux Marseille, Monsieur Georges Aillaud, universitaire et grand ami, a ressenti ce même éblouissement en se rendant sur le site un midi. Les outils de archéologues, à l’heure du déjeuner, étaient posés sur le terrain. Il lui semblait que les carriers antiques venaient de les déposer durant un court laps de temps de pause. 2600 ans d’histoire, 2600 ans  surgissaient dans son présent. M. Georges Aillaud est naturellement signataire de notre pétition, milite pour la préservation intégrale du site, et a adressé en ce sens une lettre à la ministre de la Culture, une lettre restée sans réponse, comme la mienne. Au temps glorieux de Périclès les réponses d’État étaient plus rapides et plus attentives à ceux qui les expédiaient.  
UN BIEN ARCHÉOLOGIQUE ET PATRIMONIAL UNIQUE
Le terme « patrimoine » est né au XIX ° siècle, signifiant ce dont on hérite. En Allemagne, il n’existe pas ; nos voisins d’outre Rhin préfèrent parler de « protection de la culture ». Culture et patrimoine sont intimement liées. Pour nos voisins d’outre Manche, qui parlent « d’intellectuel poperty », nous devons être les gardiens de l’héritage, un héritage profondément culturel et intellectuel. 
Ce site grec de la Corderie, bien inaliénable, est véritablement notre source. Nous sommes devant un « élément source ». Qui détient le droit de tarir une source ? De l’éliminer du paysage ? Quand cette source est nôtre !
Je voudrais appeler, enfin, votre attention sur trois éléments :
 
1.     LA COLLECTION DES MONNAIES GRECQUES DU CABINET DES MONNAIES ET MÉDAILLES DE LA VILLE DE MARSEILLE
Ce Cabinet, intégré aux Archives municipales, est le plus important de France après celui de la Monnaie de Paris. Il présente une collection, des plus fameuses, de monnaies grecques antiques. Les premières monnaies grecques, l’électron, mélange d’or et d’argent, furent frappées au VI° siècle av J.C. L’ile d’Egine est  célèbre pour ses pièces d’argent (550 av JC) et la représentation de ses tortues marine sur l’avers. 
 Massalia aussi frappa monnaie et ses frappes constituent le premier monnayage connu sur le territoire français. Avec ces premières pièces de monnaies frappées à Marseille, nous sommes dans la même période que celle de l’exploitation première de la carrière de la Corderie. Le Cabinet des monnaies possède un véritable trésor : le Trésor d’Auriol. Découvert en 1867, par un habitant d’Auriol, en plein champ, il comprenait, enfoui sous une pierre plate, 2130 pièces d’argent grecques dans un vase en argile grise. (fin VI° s. début V°S. av J.C.)  
Au II° siècle av J.C., période hellénistique de notre carrière, apparaissent à Marseille des modèles de monnaies en grand bronze représentant la déesse Artémis ou le dieu Apollon et comportant au revers un taureau chargeant. Au dessus la légende « Massalienton » (Massalia) et autour, un ou deux dauphins. Quelle beauté ! Le dauphin était le symbole divin d’ Artémis et Apollon, tous deux jumeaux. De Massalia la généralisation de la monnaie gagna toute la Gaule. La Gaule copia les monnaies massaliotes qui ont été trouvées aux bords de Seine et de Garonne. Marseille d’aujourd’hui ne se sépare pas de ses antiques monnaies mais veut se séparer de son antique carrière contemporaine de ses antiques monnaies !     
Il est naturel que Marseille soit fière de sa collection numismatique. Mais ces pièces grecques n’ont plus cours ! Pourquoi Marseille les conserve t–elle avec autant d’attention ? Elles sont sa mémoire. Ce qui est vrai des pièces de monnaies l’est pareillement et plus intensément encore des pierres de sa carrière. Quelle différence y a t-il entre une mémoire de métal et une mémoire de pierre, sachant que toutes deux émergent de la même période de la fondation de la ville ?
 
2.     LES RUES HISTORIQUES DE MARSEILLE
Faut-il souligner le nom de rues de Marseille honorant la Grèce antique ? Le boulevard d’Athènes, les rues Pythéas et Euthymènes, la rue Crinas … Outre les rues, combien de monuments s’inspirent-ils de la Grèce dans leur architecture ? 
 
3.     L’ARCHITECTURE 
L’hôtel de ville présente lui-même des colonnes corinthiennes  enchâssées ; il est édifié sur un sol grec antique ! Faut-il citer le Palais de justice et son fronton ? Le Palais Carli ? La chambre de commerce avec les statues de Pythéas et d’Euthymènes ? L’ancien hôtel Louvre et Paix sur la Canebière, la fontaine des Danaïdes, la Diane chasseresse de la roseraie Borély, le Milon de Crotone de la place d’Estienne d’Orves, les quatre déesses du Fort Saint-Jean, les taureaux de la fontaine Longchamp … ?   Et tant d’autres monuments principalement du XIX ° siècle, la Préfecture et certaines de ses statues…
Honorer «  en façade » l’histoire grecque de Marseille, les héros grecs, le style grec, l’architecture grecque mais déposséder Marseille de son unique site grec de la Corderie est une aberration scientifique, intellectuelle et humaine. On ne travaille pas l’Histoire, on ne travaille pas sur l’Histoire par de simples mots, par des dénominations de rues mais par des décisions courageuses de préservation de cette histoire sur le terrain, in situ. Tout le reste n’est que vent et parole que vent emporte. Le patrimoine est une « nourriture », l’appropriation de son histoire, le « savoir  d’où je viens ».
 
Ce site grec antique de la Corderie est un lieu de prestige de l’histoire marseillaise et méditerranéenne. Il est un symbole, un lieu de communication à travers les siècles entre nous-mêmes et nos prédécesseurs sur cette même terre. 
Si demain, Marseille devait rayer de son paysage ce « Temple » de la Corderie (expression de monsieur Michel Bats), en réponse à cet affront historique et archéologique, elle devrait être remerciée de rayer aussi les noms grecs de ses rues. On ne peut à la fois honorer la Grèce par des plaques et la détruire dans ses actes.
Jean Noël Beverini
René Pierini 

GEORGES

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Tu es de cette race d’hommes nés
Enracinés.
En raciné, homme de racine
Comme les arbres que tu aimais.
Enraciné 
Dans la terre et les collines
D’une ville aimée

Les arbres à Luminy bruissent encore de ton nom.
C’est celui, chantent-ils, celui qui a dit « Non » !
« Non ! » à l’indigne béton
Sans sève et sans mémoire
Avec pour seule envie de rayer notre Histoire.

 *

Et la Carrière antique qui chantait au soleil
Chante, elle aussi, ton nom.
« Réveillez-vous, amis du patrimoine »,
 L’Histoire est notre « Roïne ».

C’était encore trop peu que la tête d’un Roi,
Il vous faut maintenant tuer ce qui flamboie,
Rappelle nos racines et toutes nos grandeurs.
Réveillez-vous, amis ; enfin n’ayez pas peur !

 Comité d’Adrien, de Davin et des autres,
De René, de Jacques, de Michèle,
Qui comme Jeanne d’Arc savent dresser l’échelle
Pour condamner l’oubli,
 Tu chantes aussi
Son nom.

 *

Georges,
Tu es de cette race d’hommes nés
Enracinés.
Enracinés comme les arbres que tu aimais
Dans la terre et les collines
D’un Marseille à protéger.  
 
Le 5 décembre 2025
Jean-Noël BEVERINI
 
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