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Les actualités de
Monsieur Légionnaire

La mort des papes

Pape-Francois.pngLes grands moments scandant la vie des hommes sont, avec le temps, devenus des rites. Cette ritualisation est générale quels que soient les âges, quelles que soient les civilisations : naissances, passages de l’enfance à l’âge adulte, unions et décès. Les rites funéraires sont à la fois les plus anciens et les plus caractéristiques de la nature humaine. Le fait d’enterrer ses morts définit l’être humain en tant que marqueur social.

On estime que cette pratique a commencé il y a environ 130 000 ans. L’Homo sapiens inhumait ses défunts. Il ne s’agissait au départ que d’un simple ensevelissement destiné à protéger le corps des charognards. Au néolithique (-9000) les modes funéraires se diversifient (apparition des nécropoles). Ils ne cesseront d’évoluer.

De tous temps, les puissants, pharaons, rois, princes, chefs de clans, de tribus, autorités au sens le plus large, ont bénéficié de rites funéraires particuliers, différents de ceux du « vulgus pecum ». À l’occasion du décès du pape François, il m’a semblé intéressant de rechercher précisément les rites entourant la mort des papes. 

 

UNE CODIFICATION DATANT DU XII° siècle

Il ne semble pas que les rites d’inhumation des Souverains Pontifes aient été formellement fixés avant le XII° siècle, ce qui peut apparaître fort tardif. Cela ne signifie pas que des pratiques ou rites particuliers n’aient pas été suivis pour honorer le corps du défunt-pape mais simplement que ces derniers ne se différenciaient pas spécialement des rites en vigueur pour les plus hauts et plus éminents personnages de l’Église catholique. Le pape était « primus » mais « primus inter pares » en quelque sorte.Cependant l’inhumation des papes dans la basilique de Rome, tradition depuis le IV° siècle, constitue à l’évidence une marque de révérence tout à fait particulière. Toutefois lieu d’inhumation et rite funéraire sont deux points distincts. 

Au décès d’Urbain II en 1099, le Liber pontificalis nous apprend que sa dépouille « fut enseveli avec tous les honneurs dans la basilique Saint-Pierre ». Les papes étaient revêtus de leurs parements sacrés selon une tradition fort ancienne. Nous avons donc, sans surprise, un rite funéraire particulier. Mais il faut attendre la fin du XIV° siècle, pour voir apparaître un véritable cérémonial d’inhumation.

UN CÉRÉMONIAL PAPAL D’INHUMATION, ŒUVRE D’UN CARDINAL FRANÇAIS !

La distinction et l’élégance françaises au cours des siècles écoulés ne sont plus à démontrer mais de là à penser qu’elles se sont aussi exprimées en la matière des funérailles papales ! Et pourtant. La codification est l’œuvre d’un cardinal français répondant au nom de Pierre Amielh. C’est donc à un esprit français que l’on doit la première codification des funérailles papales. Nous pouvons en être fiers !

Le terme cérémonie, du latin caeremonia  est directement lié à la religion, désignant l’ensemble des manifestations de vénération et de culte observées lors d’une célébration religieuse. Nous sommes bien lors de funérailles papales dans une cérémonie religieuse au sens plein du terme. Pierre Ameilh confie la cérémonie à trois personnages :

  • le camerlingue,
  • les Pénitenciers,
  • les cardinaux. 

Le décor est dressé.Il est grandiose. Il est surtout empreint d’une profonde religiosité, ce qui ne nous surprendra pas, mais également d’un symbolisme particulièrement étudié. 

Le camerlingue 

Le pape est sur le point de mourir. Rappelons que nous sommes à la fin du XIV° siècle. Le camerlingue, ancien Camerier du temps du Moyen-Âge,nous noterons au passage le nom français de la fonction, reçoit le testament que le pape lui dicte dans sa Camara. Le pape lui indique aussi le lieu choisi pour sa sépulture. Ilappartient alors au camerlingue de convoquer les cardinaux. Le camerlingue et le «sacriste» confient aux Frères de la Bulle le baume qui doit servir à oindre le corps du pape. Le défunt pape recevra une dernière onction, l’oint du Seigneur. La Bulle est le sceau de plomb apposé sur certains actes pontificaux, utilisé par les papes depuis le IV° siècle et que gardent précisément les Frères de la Bulle. La matrice de la Bulle qui porte gravé le nom du défunt pape est brisée à sa mort à l’aide d’un marteau. 

Le camerlingue prend alors la possession du palais pontifical. Il constate la mort officielle du pape, en dresse l’acte et notifie le décès aux ambassadeurs des différents pays. Administrateur et conseiller de premier rang, pilier de l’administration vaticane, premier magistrat juridique et financier, homme de confiance, le camerlingue disposait au départ des forces d’ordre public et de l’autorité judiciaire criminelle. 

Le pape est habillé comme s’il devait célébrer la messe. Une messe éternelle ! Il est alors exposé dans l’église des funérailles officielles. 

L’ANNEAU DU PÊCHEUR 

Le maître de chambre ou préfet de la Maison pontificale remet au Camerlingue l’Anneau du pêcheur. Annulus piscatoris. Cet anneau représente le sceau privé du pape, contrairement à la Bulle de plomb, sceau officiel. L’existence de l’Anneau du pêcheur remonte au XIII° siècle. Il est utilisé pour authentifier certains actes particuliers dits « brefs ». Il s’agit d’un sceau ovale de cire rouge d’environ 2 centimètres de haut avec l’effigie de Saint-Pierre et le numéro du pape. (Aujourd’hui l’anneau est remplacé par un timbre rond de couleur rouge appliqué à gauche du texte concerné).

Moment particulièrement symbolique et grave : l’Anneau du pape défunt reçu par le Camerlingue est alors brisé devant la réunion des cardinaux. 

Les pénitenciers et les Cardinaux 

Dans le Cérémonial de Pierre Amielh, les pénitenciers, sous la direction du cardinal-pénitencier, sont associés aux funérailles papales. Il s’agit d’un tribunal en matière de norme doctrinale.

Les cardinaux assurent, à la mort du pape, l’administration de l’Église en l’attente de l’élection du nouveau successeur de Pierre. Urbain VIII leur octroya en 1630 le titre d’eminentissime, en leur qualité de princes de l’Église, réputés égaux des Rois et des chefs de gouvernement.

UN DEUXIÈME CÉRÉMONIAL

Un deuxième cérémonial allait compléter le premier.Deux palefreniers en habit de deuil se tiennent au pied du cercueil et agitent en permanence des éventailsnoirs décorés du blason papal. On dresse l’inventaire des biens du pape. Les cérémonies s’étalent sur 9 jours (une neuvaine), date à partir de laquelle les cardinaux peuvent siéger en conclave.

Le corps du pape, une fois préparé,est exposé. Dès le XIV° siècle les meilleurs chirurgiens sont appelés de manière à pouvoir garantir l’exposition durant ce laps de temps. La mort du pape doit être authentifié publiquement et sa dépouille présentée à la dévotion populaire.

Ainsi, selon les rites codifiés au XII° puis au XIV° siècles, se déroulaient les funérailles papales. Certains historiens établissent une certaine correspondance avec l’inhumation des empereurs chrétiens d’Orient après la mort de Constantin.

L’époque moderne, avec la volonté des récents Souverains Pontifes, n’a cessé d’alléger le cérémonial et de simplifier dans un esprit de sobriété et de pauvreté les funérailles papales. François s’inscrit, non seulement, dans cette perspective, mais la couronne d’humilité franciscaine.

À Marseille, le 23 avril 2025
Jean-Noël Beverini
Membre de l'AACLE, Ancien président de « Voir et savoir par l’Histoire » 
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