Skip to main content

Les actualités de
Monsieur Légionnaire

L’affaire de Dunkerque.  « Les Anglais se battront jusqu'au dernier Français. » 

 (Message de propagande allemand au début de l’ « Opération Dynamo »

Cette année, pour une raison qui m’échappe, la presse s’est montrée plus que discrète sur la bataille de Montcornet en mai 1940, bataille que la geste gaullienne qualifie de victoire alors que c’était, en effet, une victoire…allemande. Il suffit de lire les mémoires du Gudérian pour le savoir. 

On se souvient qu’en 2020, Emmanuel Macron, qui ne recule devant rien pour enfumer les Français, nous a déclaré que la bataille de Montcornet était, je cite,  « une défaite qui est un appel à la résistance », c’était, comme d’habitude chez lui, du grand n’importe quoi ! 

J’ai écrit moult fois ce qu’a été réellement la bataille de Montcornet : une défaite soldée par 14 tués, 9 disparus et blessés.  Ce fait est attesté par TOUS les historiens, y compris les gaullistes, de gauche comme Jean Lacouture (1) ou de droite comme Henri Amouroux (2). 

Avant de parler d’«esprit de résistance», il faut se replonger dans le contexte de l’époque, et le faire honnêtement, à partir de faits réels, de chiffres, et éventuellement de témoignages vécus.

L’historien Roger Bruge, avec lequel j’ai collaboré (pour son livre «Les hommes de Diên-Biên-Phu»), a réalisé, sur cette période tragique, un énorme – et remarquable - travail de mémoire (3).

Un bref rappel historique s’impose, sans passion partisane, dans un souci de vérité.  

Le 1er septembre  1939, l'Allemagne envahit la Pologne. Le 3 septembre, l'Angleterre, puis la France  déclare la guerre à l’Allemagne. En France, cinq millions d'hommes sont mobilisés.

L'intendance est incapable de subvenir aux besoins de tous. Pendant plusieurs mois, certains bidasses garderont leurs vêtements civils; il n'y a pas d'armes, de munitions et d'équipements pour tout le monde. Si en théorie, sur le papier, les forces en présence sont comparables (et même plus importantes en France qu'en Allemagne), en réalité le « bordel à la Française » fait la différence.

Depuis le Front Populaire notre pays connaît des grèves à répétition et une désorganisation générale, mêlée à un antimilitarisme encouragé par les partis de gauche et admis par le pouvoir. 

            Le 3 septembre 1939, donc, l'Angleterre déclare la guerre à l'Allemagne, selon l'accord passé avec Édouard Daladier, mais les deux  gouvernements n'avaient rien entrepris pour prêter main-forte à leurs alliés polonais. Depuis la capitulation de la Pologne, Hitler avait déplacé ses troupes vers l'ouest, mais il ne se passait rien de plus. Les Français renforçaient mollement leurs lignes de défense.

Les Anglais leur avaient envoyé un Corps Expéditionnaire pour les soutenir en cas de menace sérieuse  mais, en fait, personne n'y croyait vraiment. Au contraire, tout le monde ironisait  sur ce simulacre de guerre. Les Anglais l'appelaient « Phoney War » (semblant de guerre), pendant que les Français parlaient d'une « drôle de guerre ».  Les journaux insistaient sur « le confort de la ligne Maginot ». Elle remplissait son office en immobilisant notre armée. Nos soldats tapaient le carton tandis que la Wehrmacht achevait la Pologne en laissant, face à l'Armée française, quelques divisions de réserves. Les antagonistes s'observaient de loin, à l’abri de leur ligne, « Maginot » pour les Français, « Westwall » pour les Boches. Gamelin, notre généralissime, avait 67 ans, le prestigieux Weygand,  72 ans ; et le Maréchal Pétain, futur chef de l'État français, 83. En face, Guderian  avait 51 ans, Rommel, 48, Hitler, 50. De part et d'autre, l'audace n'était pas également répartie. 

À peine les Français tentent-ils une incursion dans la Sarre qu'ils rebroussent chemin de peur de la riposte allemande. Une opération qui nous coûte 300 morts pour rien. Nos soldats ont reçu l'ordre d'éviter de tirer de l'autre côté du Rhin afin « d'éviter les représailles »; ça laisse rêveur ! 

Le 9 avril 1940, cette supposée guerre tourne au drame sanglant. Les troupes allemandes débarquent en force au Danemark et en Norvège sans avoir déclaré la guerre à ces deux  pays. 

Les Norvégiens, soutenus par 35 000 soldats anglais, français et polonais, leur opposent une résistance désespérée. Mais ils subissent de  lourdes pertes et doivent abandonner la lutte. Le triste bilan de cette attaque  (qui porte le nom de « Weserübung »), est de 2700 morts du côté allemand et 5800 du côté allié. A partir de ce moment, les offensives s'enchaînent. 

Le 10 mai, commence le « Fall Gelb », l'offensive de l'ouest. Hitler prévoit cette attaque depuis l'automne 1939. Attaque qu’il n'a cessé de repousser (29 fois en tout!), freiné par les atermoiements de ses généraux, car en fait, l’Allemagne n’était pas encore prête à entrer en guerre !

La conquête de la France ne peut se faire par voie directe car les Français ont construit la ligne Maginot pour protéger leurs frontières. Les troupes allemandes font donc un détour via les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. Les Pays-Bas capitulent dès le 15 mai. 

La veille, plus de 800 civils ont péri dans un bombardement aérien sur Rotterdam. Peu de temps après, la Belgique et le Luxembourg déposent les armes et se rendent à leur tour. Personne ne peut plus arrêter les Boches.  Nos pertes sont impressionnantes : 85 310 morts en 6 semaines. C'est pire que la moyenne hebdomadaire de la Première Guerre Mondiale (qui, rappelons-le, a fait 1,5 million de tués français). On peut comprendre le vent de panique qui frappa alors l'opinion.

Personne n'avait cru à cette guerre; le réveil était douloureux ! 

Le 17 mai, les premiers soldats allemands se trouvent sur la rive française de la Meuse. Dès la fin du mois, ils contrôlent le nord du pays. Le Corps Expéditionnaire britannique, peu préparé à de véritables combats, est aussi rapidement dépassé que l'Armée française par l'avancée des troupes allemandes. Des centaines de milliers de soldats, français et britanniques, se retrouvent soudain encerclés par les Allemands le long de la côte. A Dunkerque, ils se précipitent vers les plages dans l'espoir de trouver une embarcation pour fuir en Angleterre. Voulant ménager l'Angleterre, le général Von Rundstedt va interrompre son avancée pendant quelques jours.

C’est là que débute l’ « Opération Dynamo » que de nombreux historiens ont appelée « La bataille de Dunkerque » or la vraie bataille a été menée par…les Français autour de Lille, pour permettre aux Britanniques de rembarquer. 

Plus de 800 embarcations de toutes sortes sont rassemblées à la hâte. Il y a là des bateaux de guerre, de plaisance, des cargos, des barques de pêche ... 

En l'espace de 10 jours, entre le 26 mai et le 4 juin, 338 226 soldats, majoritairement des Anglais, sont ainsi évacués du port et des plages de Dunkerque. 

Chassés par les rafales et les bombes des « Stukas » allemands, ils doivent abandonner la quasi-totalité de leur armement, leurs munitions et leurs véhicules. Si l’histoire a retenu l’appellation de « bataille de Dunkerque » c’est parce que cette retraite a été présentée par Winston Churchill comme une victoire (85% des troupes ayant été évacuées) et il est vrai que, quand le dernier bateau quittera Dunkerque, le 4 juin à 3h00, 338 226 hommes auront été évacués. L’embarquement des troupes, dans le plus grand désordre,  a donné lieu à de sévères empoignades, les Britanniques privilégiant leurs soldats. Les troupes françaises et belges ne purent embarquer qu'après les Britanniques, mais cela a permis de sauver environ 120 000soldats français et belges.  

Lord Gort, en charge de l’ « Opération Dynamo »,  avait reçu l'ordre de Churchill de ne pas informer les généraux français et belges du début de l'évacuation, laissant sept divisions françaises seules face aux troupes allemandes. Elles combattirent jusqu'à l'épuisement de leurs munitions. 

L’histoire officielle ne parle jamais les soldats  d’Haubourdin, sacrifiés pour permettre le réembarquement anglais  à Dunkerque : il s’agissait de « poches de résistance » qui regroupaient 40 000 soldats (30 bataillons, 12 groupes d'artillerie, et 5 groupes de reconnaissance).

Cette histoire, je l’ai découverte presque par hasard, grâce à deux amis intimes, décédés l’un et l’autre il y a 30 ans, et qui étaient  anciens combattants d’Haubourdin. Le colonel Paul Nageotte, le patron de mon père au 35°RALP(4), était capitaine-artilleur à l’époque. Mon ami Jean Briard avait été incorporé comme simple canonnier de 2ème classe. Il est parti faire la guerre avec un étui-jambon de révolver…vide, et sans brodequins car l’intendance n’en avait pas à sa taille. Au début de la bataille, on l’a doté d’un mousqueton et de…5 cartouches, ça laisse pantois ! 

Mes deux amis ne se connaissaient pas.  J’ai organisé une rencontre autour d’un déjeuner chez moi en 1985, et je les ai écoutés égrener leurs souvenirs, modestement, sans gloriole et sans forfanterie, parfois même en riant comme des bossus. Ils avaient pourtant vécu l’enfer ! 

Le 28 mai 1940, après la capture du général allemand  Kühne, porteur des plans d'attaque, (qui prévoyaient que trois « Panzer Divisionnen » attaqueraient de front français), le général Molinié, qui commandait nos troupes, et ses officiers, organisèrent une tentative de sortie.

Elle se solda par un carnage ! Le capitaine Philippe de Hauteclocque - le futur général Leclerc - réussira à traverser les lignes allemandes à cheval et à rejoindre, le 4 juin, les positions françaises sur le canal Crozat.  Avec des centaines de morts et de blessés (civils et militaires), et leurs munitions épuisées, les « poches de résistance » françaises  cessèrent le combat, les unes après les autres, dans la journée du 31 mai. Le général Molinié et son adjoint, le colonel Aizier, négociaient alors, jusqu'à minuit, une reddition « dans l'honneur » pour les défenseurs de Lille et de ses faubourgs.

Le 31 mai au soir, le lieutenant-colonel Dutrey, commandant le 40° RANA(5) disait au général Dame, qui commandait sa division «  Je ne rendrai pas moi-même mes canons intacts à l’ennemi ».Le 1er juin, à 6h30, il se tirait une balle dans la tête. Il sera le dernier mort de la bataille. 

Le samedi 1er juin, sur la Grand-Place de Lille, les troupes françaises défilaient en armes devant les Allemands. Sur les divisions encerclées à Lille, trois étaient des unités  nord-africaines.

Les Allemands leur accordèrent les honneurs de la guerre (il faut remonter à la reddition du fort de Vaux en 1916 pour trouver un précédent). Le 2 juin, Adolf Hitler, furieux, reprocha au général Waeger d'avoir marqué une pause dans sa progression vers Dunkerque et d'avoir rendu les honneurs militaires aux Français. Il fut limogé sur le champ ! 

Churchill, dans ses mémoires, estime que les défenseurs de Lille ont donné cinq jours de répit à « l'opération Dynamo » et ont permis, ainsi, de sauver des milliers de soldats britanniques.  

Au prix de …1800 morts  qui sont, comme tant d’autres, des oubliés de l’histoire.                                                                                                                                                               

Après ce que les Anglais appelleront « le miracle de Dunkerque », miracle qu’ils doivent en grande partie au sacrifice de nos troupes, la campagne de France ne va durer que deux  semaines. Le 14 juin, les troupes allemandes occupent Paris, déclarée ville ouverte. 

Le 17 juin, le gouvernement démissionne, et le peuple français dans son immense majorité, sonné par la plus  mémorable raclée de son histoire, applaudit quand le vieux Maréchal Pétain, 83 ans, le « vainqueur de Verdun », déclare : «… Je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur…C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités… ».

Pour bien comprendre les raisons de la demande d’armistice du Maréchal Pétain, il faut avoir à l’esprit les pertes françaises et alliées durant l’offensive de mai-juin 1940 : 

Belgique : 12 000 morts, 15 850 blessés et 300 000 prisonniers ; Pays-Bas : 2 890 morts et 6 889 blessés ; Pologne : 6 000 morts et blessés ; Royaume-Uni : 3 458 morts, 13 602 blessés, 48 052 disparus ou prisonniers (dont 45 000 prisonniers à Dunkerque). À ces morts s’ajoutent d’importantes pertes civiles: 2 500 morts aux Pays-Bas ; 21 000 en France ; 6 000 en Belgique.

Pour la France, le chiffre des pertes militaires du 10 mai au 22 juin 1940  est d’environ 95 000 morts et 250 000blessés. En outre, 1 800 000 soldats français sont faits prisonniers et internés dans différents types de camps. Oflags pour les officiers, Stalags pour les sous-officiers et la troupe. 

De plus, du 10 mai au 22 juin 1940, les pertes en moyens militaires sont énormes : le Corps Expéditionnaire britannique a abandonné tout son matériel à Dunkerque. La RAF a perdu plus de 1 000 appareils et 435 pilotes, dont plus de 400 chasseurs. Notre armée a perdu 320 000 de ses 400 000 chevaux, et tout le matériel lourd qu’ils tractaient (artillerie antichar)…etc… 

En clair, la belle Armée française, partie la fleur au fusil, gonflée par des slogans idiots du genre « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », n’existe plus. 

« L’esprit de résistance » en cette triste période, nous le devrons au Maréchal Pétain et au général Weygand. Lors de la négociation d’armistice, le Maréchal Pétain, conseillé par Weygand, va donner des instructions formelles : « …Rompre immédiatement la négociation si l'Allemagne exige premièrement la remise totale ou partielle de la flotte, deuxièmement l'occupation de toute la métropole, ou troisièmement l'occupation d'une partie quelconque de l'Empire colonial ».

C’est à partir de notre Empire colonial que le général Giraud va mobiliser l’Armée d’Afrique ; celle-là même qui débarquera en Provence le 15 août 1944…

Je rappelle, au risque de radoter, que lors du débarquement en Provence, à partir  du 15 août 1944, ce sont environ 260 000 combattants de « l'Armée B » du général de Lattre de Tassigny, qui sont arrivés dans le sud de la France. 10 % étaient originaires de la métropole (les « Français Libres » de De Gaulle), 90 % venaient d'Afrique du Nord dont une écrasante majorité pour les départements d'Algérie. (48 % étaient des «Pieds noirs»). Il faut se souvenir aussi que le 6 juin 1944, les « Français libres » qui débarquèrent ce jour-là étaient…177 : les « bérets verts » du commando Kieffer. La 2ème DB du général Leclerc – celle qui est entrée dans l’histoire – n’a débarqué qu’en août 44, sur le sol de France. Et, aussi glorieuse soit-elle, ce n’était jamais qu’UNE division.

Respect pour TOUS les combattants de la Deuxième Guerre Mondiale, y compris ceux que l’histoire officielle semble avoir oubliés ! 

Le 26 mai 2023. 

Eric de Verdelhan  

****

1)- « De Gaulle », de Jean Lacouture ; Le Seuil ; 1965 ; nouvelle édition en 1971.

2)- « Le 18 juin 1940 », d’Henri Amouroux ; Fayard ; 1964.

3)- « Les Combattants du 18 juin » de Roger Bruge. Tome 1 « Le Sang versé » ; Fayard ; 1982. Tome 2 « Les derniers feux » ; Fayard ; 1985. Tome 3  « L'armée broyée » ; Fayard ; 1987. Tome 4 « Le cessez-le-feu » ; Fayard ; 1988. Tome 5 « La fin des généraux » ; Fayard ; 1989.

4)- 35ème RALP= Régiment d’Artillerie Légère Parachutiste.

5)- 40ème RANA= Régiment d’Artillerie Nord-Africaine.

Propos recueillis par Constantin LIANOS

  • Vues: 675