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Monsieur Légionnaire

Antoine BECKER, Commissaire divisionnaire, patriote et martyr 

Antoine BECKER, Commissaire divisionnaire, patriote et martyr 

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Beaucoup de personnes, et surtout beaucoup de policiers empruntent chaque jour la rue Antoine Becker, à Marseille, dans le 2ème arrondissement, très courte artère entre la Major et le Panier, et qui ne comporte qu’un seul numéro, le 2, celui du siège de la direction départementale de la sécurité publique, « l’Évêché » bien connu.

Mais la plupart de ces passants ignorent tout de l’éponyme qui a donné son nom à cette artère, celui d’Antoine Becker, commissaire divisionnaire (1893-1944), policier patriote et martyr, assassiné par les nazis.

Antoine Becker, alsacien de naissance, était né le 1er janvier 1893 à Bergheim dans la Haute-Alsace annexée, il était le fils d’Alphonse Becker, un cultivateur de condition modeste, et de Marie Anne Wessner.

Très tôt, Antoine Becker se lança dans le journalisme, et notamment au « Novellist de Colmar », quotidien francophile dirigé par le prêtre, journaliste et homme politique, Émile Wetterlé. A la déclaration de guerre en 1914, il cesse ce travail, et fut mobilisé dans l’armée allemande, l’Alsace ayant été annexée par l’Allemagne, après la guerre de 1870, par le traité de Francfort du 10 mai 1871.

Antoine Becker participa donc aux combats de la Première Guerre mondiale, et resta mobilisé jusqu’en 1919.

Ayant repris la nationalité française, il devint après concours, inspecteur de la « police spéciale » de Strasboug dans le Bas-Rhin. Il convient de noter que les « polices spéciales » ont été créées dès 1835 et placées auprès des préfets. Elles étaient officiellement chargées de la police des chemins de fer, mais leurs missions ont été progressivement élargies au renseignement politique et à la lutte contre l’anarchisme par le décret du 23 décembre 1893.

Antoine Becker fut dès ce moment-là chargé de la surveillance et de la répression des mouvements autonomistes alsaciens. Il sera promu commissaire de police en 1928, et nommé commissaire spécial, et chef du contre-espionnage en Alsace. Ces fonctions très importantes l’amenèrent, ainsi que son service, à procéder à des arrestations nombreuses d’agents allemands.

A cette époque, le Reich allemand avait mis en place une organisation dénommée « Association pour le Germanisme à l’Étranger » qui coordonnait en fait les différentes activités de propagande, d’agitation, et bien sûr d’espionnage dans les anciennes possessions allemandes en Europe.

Il participera, en particulier, ainsi que ses hommes, aux poursuites contre le chef autonomiste Karl Roos, enseignant et homme politique alsacien, fervent partisan de l’autonomie alsacienne en réaction « à l’oppression française ». Cet ancien combattant de 14-18 qui fut décoré de la Croix de Fer de 1ère classe, sera arrêté par Antoine Becker en 1939 pour avoir livré des renseignements d’ordre militaire à l’Allemagne. Condamné à mort pour espionnage en octobre 1939, Karl Roos fut fusillé près de Nancy en février 1940, et après cette affaire retentissante, la notoriété d’Antoine Becker n’était plus à faire, ayant employé toute son énergie à démanteler ces réseaux occultes se disant autonomistes, mais qui travaillaient en fait pour l’Allemagne, et il obtint dans ce domaine des succès retentissants qui lui valurent plus tard de subir la vengeance de l’ennemi.

Replié en zone libre après l’armistice du 22 juin 1940 signé entre le « gouvernement de Vichy » et l’Allemagne nazie, Antoine Becker est nommé commissaire central de la Police d’État à Toulon. Il était connu à ce moment-là comme un « maréchaliste ardent », et ses rapports administratifs le faisaient apparaître comme un serviteur plutôt zélé du « gouvernement de Vichy ».

Malgré ces assurances qui n’en étaient guère, la situation personnelle et administrative d’Antoine Becker va se compliquer au lendemain de l’invasion du Var et de Toulon, région militaire importante, par les Allemands le 27 novembre 1942, et se sentant menacé, il va se cacher un temps à Callas dans le Haut-Var avec son épouse chez des amis du commissaire Michel Hacq, qui était entré dans la Résistance dès l’arrivée de l’armée nazie à Toulon.

Antoine Becker est alors nommé, sur sa demande à Gueret dans la Creuse, poste moins en vue, puis il rejoignit la Police d’État de Clermont-Ferrand, poste dans lequel il est nommé commissaire divisionnaire. Par la suite, étant convaincu une fois encore des assurances des autorités de Vichy pour sa sécurité personnelle, lesquelles lui avaient répondu que les autorités allemandes s’étaient engagées à ne pas exercer de poursuites à l’encontre des policiers ayant exercé leur métier en Alsace-Lorraine. il accepta le poste de Commissaire Central à Marseille où il prit ses fonctions le 15 novembre 1943.

Dix-neuf jours après, le 4 décembre 1943, Antoine Becker est arrêté dans son bureau par la Gestapo et la Feld-Gendarmerie, conduit ensuite dans les locaux de la Gestapo au 425 de la rue Paradis, et l’Inspecteur Général de la zone de police de Marseille arrive trop tard pour s’opposer à son arrestation. D’abord transféré le jour même à Paris, il fut ensuite transféré en Alsace annexée puis interné à la prison de Khel (région de Bade – Allemagne).

Dans cette prison placée sous la coupe de la Gestapo, Antoine Becker subira un véritable calvaire, il sera affreusement torturé par la Kriminalkommissar Gehrum. A ce moment-là, René Bousquet, secrétaire général de la Police Nationale de Vichy, et son adjoint Cado, s’adresseront en vain aux autorités allemandes pour connaître les motifs de son arrestation et obtenir sa libération.

Malgré tous les sévices graves qu’il a endurés à Khel, il ne livrera aucun des noms de ses informateurs avec qui il était en contact dans son ancien service strasbourgeois.

Un journal local clandestin de Marseille « Le Front National », numéro 3, le 20 janvier 1944 relatera les conditions de son arrestation, et prétendra qu’il avait été déporté en Allemagne.

En fait, après la prison de Khel, Antoine Becker est transféré le 2 août 1944 au camp de sûreté de Vorbruck-Shirmeck (Bas-Rhin). Le commandant du camp, Karl Buck, l’enferma immédiatement dans une cellule , puis le fit torturer à plusieurs reprises dans les douches du camp. Karl Buck sera condamné plus tard en France à la réclusion à perpétuité, puis rentrera en Allemagne où il mourra, lui, de mort naturelle à l’âge de 82 ans...

Quelques jours plus tard, sur ordre de Berlin, Antoine Becker est conduit sous escorte en camionnette au camp de Natzweiler-Struhof, seul camp de concentration implanté en Alsace- annexée, c’est-à-dire sur un sol français.

Antoine Becker n’arrivera jamais à destination, en chemin, un SS dénommé Heuschwanger l’abat à l’aide d’un coup de pistolet tiré dans la nuque, son supplice venait de prendre fin sans qu’il n’ait jamais parlé. Son corps a fini en crémation dans le camp du Struhof. Dans son rapport, le Capitaine Buck déclara faussement qu’Antoine Becker avait été tué au moment où il tentait de prendre la fuite au cours de son transport.

Un jugement de la 1ère chambre civile du tribunal de première instance de Strasbourg , en date du 6 mai 1947, atteste de son décès.

Par ailleurs, le Commissaire divisionnaire Becker a été cité à l’Ordre de la Nation le 30 mars 1950 : « Fonctionnaire chargé avant-guerre de la répression des menées antinationales dans les départements alsaciens et lorrains, se replie en zone Sud et refuse de rentrer à Strasbourg malgré les offres des occupants, ne cesse de manifester son hostilité et emploie toute son activité professionnelle contre l’ennemi ».

Par Décret du 6 mai 1950, Antoine Becker est nommé à titre posthume contrôleur général de la police Nationale et Chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’honneur.

Le 4 mai 1950, se déroulera une cérémonie dans la cour de l’Hôtel de Police de Strasbourg, rue de la Nuée Bleue, au cours de laquelle cette décoration sera remise à sa veuve, Madame Amélie Virginie Becker née Richert.

Antoine Becker est l’éponyme de la 35ème promotion des Commissaires de Police sortie de l’École Nationale Supérieure de Police de Saint-Cyr au Mont d’Or, le 27 juin 1985, et sa mémoire a été honorée par plusieurs villes qui ont baptisé des rues portant son nom, notamment Strasbourg, Toulon, Bergheim , La Valette du Var.

Puissent les passants de ces rues, et surtout les jeunes, et moins jeunes générations de policiers s’inspirer de l’exemple de ce chef courageux, héroïque, qui a reçu le titre de « Mort pour la France », et qui a accompli son devoir jusqu’au bout, obéissant aux ordres d’une autorité étatique qui n’était que légale, et aucunement légitime, en faisant le sacrifice de sa vie et en ne livrant aucun secret d’enquête à ses bourreaux. Bien d’autres commissaires et policiers de tous grades ont résisté et lutté contre l’occupant au cours de cette période noire, et nombre d’entre eux sont morts en captivité ou des suites de tortures.

Avec cet article, j’ai voulu rendre hommage à mes glorieux aînés, et notamment au Commissaire divisionnaire Antoine Becker, patriote et martyr !

Claude DUPONT, Commissaire Divisionnaire

Marseille, le 11 janvier 2023

Merci Claude pour ce magnifique hommage à Antoine BECKER,

Constantin LIANOS, Ancien Légionnaire-officier, Président-fondateur de Monsieur Légionnaire, de l'AACLE et ses réseaux

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