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Compte rendu de la conférence de Luc MARY "On a frôlé la guerre atomique" du 26 Janvier 2019

Guerre froide et sueurs froides

Ce fut une grande et belle journée pour l’association nationale des anciens combattants de la Légion Etrangère présidée par le lieutenant-colonel Constantin Lianos. Le professeur et historien Luc Mary est en effet venu présenter samedi son dernier livre intitulé : « on a frôlé la guerre atomique ». Le restaurant Mas de Bonneveine à Marseille était plein à craquer pour écouter ce conférencier de qualité raconter comment le monde, à sept reprises depuis 1945, a frôlé l’apocalypse nucléaire.

Tout a commencé au Japon le 6 août 1945. Ce jour-là, une bombe de quatre tonnes vitrifie la ville d’Hiroshima. Trois jours plus tard, une nouvelle bombe pulvérise la ville de Nagasaki. Bilan : des dizaines de milliers de morts et d’irradiés. Ce massacre nucléaire précipite la reddition du Japon et montre à l’union des républiques socialistes soviétiques la puissance destructrice des Etats-Unis d’Amérique. Dissuader plutôt que détruire : telle sera désormais la règle.

C’est à cette époque qu’est née la notion de « guerre froide », c’est-à-dire « un état entre la guerre et la paix qui peut à tout moment basculer dans l’apocalypse ».L’alerte la plus récente est encore dans toutes les mémoires : il s’agit des échanges peu amènes et du bras de fer entre Donald Trump et le dictateur de la Corée du Nord Kim Jong Un. L’escalade des insultes publiques entre les deux chefs d’états se superposait à une escalade de la terreur dans le monde entier, chacun étant prisonnier de ses alliances. Puis, alors que l’on croyait la planète au bord du brasier nucléaire, les deux hommes ont fini par se rencontrer, et même par sympathiser. Ouf !

Ce livre raconte par le menu les sept crises qui ont failli aboutir à un embrasement général et il aurait pu être intitulé « sueurs froides » car c’est un voyage au bout de l’intox. D’autant plus qu’aujourd’hui les scientifiques ont su potentialiser leurs missiles nucléaires à tel point que la bombe qui a rayé de la carte la ville d’Hiroshima pourrait désormais raser un pays grand comme la Suisse. Quand on sait qu’un dictateur comme Kim Jong Un est capable de faire exécuter sur le champ plus de 50 Coréens du nord coupables d’avoir visionné des programmes étrangers à la télévision et fait tuer son ministre de la Défense sous prétexte qu’il s’était assoupi lors d’une parade militaire, on se dit qu’il vaut mieux se montrer extrêmement prudent…

Le despote Coréen est un danger potentiel pour la planète. Depuis qu’il a accédé au pouvoir, il s’est montré nettement plus belliqueux que son père puisqu’il a procédé à 80 tirs de missiles balistiques et qu’il a doublé le nombre d’essais nucléaires. Selon Luc Mary, ce despote a peur. Il craint en effet un coup d’Etat. Il a la hantise d’une nouvelle attaque américaine. Donc il montre ses muscles en permanence. La bombe atomique est pour lui une assurance vie destinée à rassurer son peuple.

Luc Mary a évoqué une histoire qui n’a jamais eu lieu : si la guerre nucléaire avait éclaté, nous ne serions probablement plus là pour en parler. Guerre improbable, paix impossible, le monde a tremblé jusqu’en 1991, date de la fin de l’union soviétique, deux ans après la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. Cette double dislocation marque la fin du péril rouge. Le « club » des titulaires de la bombe atomique s’est élargi : aux Etats Unis, à la Russie, à la Chine, à la Grande Bretagne  et à la France se sont ajoutés l’Inde, le Pakistan, Israël et probablement l’Iran dans un proche avenir. Paradoxalement, cette prolifération s’est accompagnée dans tous les pays d’un intense désarmement : aujourd’hui l’arsenal de l’humanité a été divisé par cinq par rapport à celui des années 70 avec 13 000 têtes nucléaires contre 70 000. 

Chaque Etat est en quête de la garantie maximale de sécurité, celle qui dissuadera le voisin de vous attaquer, celle qui vous préservera d’une invasion soudaine ou d’une annexion des zones frontalières. Luc Mary envisage même un scénario catastrophe entre l’Inde et la Chine en…2024 : il émet l’hypothèse que les Chinois larguent une bombe H sur Calcutta, faisant trois millions de morts et trois millions de blessés graves. La riposte indienne rayerait aussitôt Hong Kong de la carte. Donc, à ses yeux, l’holocauste nucléaire est toujours possible, sinon plausible. Il l’était d’évidence lors de la guerre d’Egypte en 1956 et lors de la crise des missiles de Cuba mais la menace plane vertigineusement au-dessus de nos têtes.

L’auteur raconte des épisodes méconnus lors des périodes de tension extrême entre les USA et l’URSS. Par exemple, la nuit du 26 septembre 1983 dans un bunker souterrain de la défense soviétique à 100 km de Moscou le lieutenant-colonel Stanislas Petrov a fait preuve d’un sang-froid extraordinaire en évitant l’embrasement général de l’univers. L’URSS est sur les dents, elle s’attend à une attaque préventive des USA. L’ordinateur de Petrov annonce le tir imminent de cinq missiles atomiques américains dirigés contre l’URSS. Petrov ne panique pas. Il sait qu’il faut un affichage de cent missiles pour déclencher la riposte nucléaire et il s’abstient. Bien lui en a pris, c’était une erreur…

Autre héros méconnu, un autre militaire russe, Vassili Arkhipov, commandant en second du sous-marin soviétique B-59 qui a réussi in extremis à éviter l’apocalypse nucléaire le 27 octobre 1962 à Cuba : il a refusé d’utiliser l’arme nucléaire contre un navire de guerre US qui bombardait le sous-marin et a dû calmer son commandant qui, lui, tenait à lancer son ogive nucléaire.

Ces deux officiers sont morts dans l’anonymat le plus complet et les seules médailles auxquelles ils ont eu droit étaient en chocolat. En chocolat glacé.

José D’Arrigo 

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 Texte et photo  © Monsieur-Légionnaire