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Messe du 28 Janvier 2018

Homélie pour la messe des soldats de France
28 janvier 2018 par Mgr le Chanoine Jean-Pierre ELLUL (*1). 
Sacré-Cœur de Marseille. 
© Photos Bernard MEYRAN (droits www.monsieur-legionnaire.org ) cliquez sur la photo pour l'agrandir 
Notre basilique est décorée aux couleurs de la France. Chaque année, nos prières montent du fond de nos cœurs, pour tous ceux qui sont tombés au combat pour défendre la liberté de notre pays. Les murs du déambulatoire sont constellés des noms, des prénoms qui restent bien présents, près de 100 ans après, et les grands vitraux de la guerre, les anges et quelques photos de poilus tombés au champ d’honneur nous le rappellent : l’Ourcq, la Marne, offensive de 1915, Verdun, la Somme, un an après ; aux soldats morts en Orient, en captivité, des suites de la guerre ; notre prière les rejoint en ce jour et personnellement, je vais souvent prier pour eux, essayant d’entendre dans le fracas des armes, leurs cris de souffrance et d’espoir. 
Des jeunes se tuant presque à bout portant pour défendre quelques mètres de terre, cette terre de France qu’ils ont tant aimée et qui deviendra leur linceul. Mais la guerre, c’est la guerre et ils l’ont faite, avec au cœur, cette idée de la liberté, le pays qu’il fallait défendre devant l’ennemi. 
En relisant les récits du « Souvenir », ce petit livret paroissial qui accompagnait en ces années de guerre, les souffrances des parents, des veuves, des fiancées qui avaient perdu un être cher… nous pouvons nous remémorer ce qu’ils ont ressenti au dernier moment, ce moment ultime où ils rencontraient leur créateur. Combien sont venus se recueillir dans la chapelle du fond de la basilique, la chapelle absidiale qui leur étaient réservée, aux pieds de la Vierge Marie, recevant Jésus son Fils, dépendu de la croix et mort pour le pardon de nos péchés ?
Se sont-ils rappelés le poème de Rimbaud « Le dormeur du Val », écris durant la guerre de 1870, où ce jeune soldat, le visage dans l’herbe humide, comme s’il dormait… avait un trou rouge dans la poitrine ? 
Et les gaz, la boue, la faim ? ; et dans l’exiguïté des tranchées, où la mort peut survenir à tout instant, ils pensaient à l’avenir de la France, avec le désir que cette guerre prenne fin. Les soldats auront encore des mois à  attendre car évidemment, ils ne savent pas encore que l’Armistice sera signé à 5h 15, le 11 novembre 1918. 
En ces premières semaines de 1918, quelles sont les informations communiquées par le Grand Quartier Général, concernant la journée de ce lundi 28 janvier qui retiennent  l’attention des rédactions des journaux ? 
D’abord que l’intensité de l’activité de l’artillerie allemande, que ce soit vers Ribécourt, dans le sud-ouest de Cambrai ou sur le front anglais, témoigne que l’ennemi n’a pas l’intention de rentrer chez lui et de mettre un terme au conflit. 
Dans le département de la Marne, à l’est de la route de Saint-Etienne, à Saint-Souplet, les batteries d’artillerie françaises qui étaient visées ont répliqué et exécuté des tirs de destruction efficace sur les positions de l’adversaire. Deux coups de main ennemis ont échoué sur nos petits postes de la région de la Fave.
Il faut nous rappeler le rôle que joua le bienheureux Père Brottier qui, dès le début de la guerre, participe à la Société de secours aux blessés militaires et en devient aumônier militaire volontaire. 
Il servira la 26ème division pendant toute la guerre et les plus durs engagements (batailles de Verdun et de la Somme).
Lui qui avait été réformé, il obtient du gouvernement la permission de fonder un corps d’aumôniers volontaires : ainsi ce réformé passera toute la guerre en 1ère ligne ! 
Les « poilus » sont ébahis de le voir toujours indemne; lui-même ne comprend pas. La clé du mystère lui sera donnée quand il retrouvera son évêque de Dakar, Mgr Jalabert, venu en France après la guerre. Ce dernier ouvre son bréviaire où il y a une image de sainte Thérèse de Lisieux, image double, à l’intérieur de laquelle le Père Brottier aperçoit sa propre photographie avec cette inscription au verso : « Petite Thérèse, gardez-moi mon Père Brottier ». 
En effet, il comptait sur lui pour édifier une cathédrale à Dakar. Pour cela, il le nomme son vicaire général … en France ; et le Père Brottier s’attelle à la tâche. 
Après la guerre également, il est cofondateur avec Clémenceau de l’ « Union Nationale des Combattants ». Par ce moyen, il travaille à “prolonger la fraternité née dans le dépouillement des tranchées et le don héroïque de soi », dira Saint Jean Paul II.
C’est dans ces mois-là, plus particulièrement l’année précédente que l’évêque de Marseille, Mgr Joseph-Antoine Fabre, prend la décision de construire une église consacrée au Sacré-Cœur de Jésus et dédiée aux soldats morts pour la France. 
Une lettre circulaire parue dans l’Echo de Notre-Dame de la Garde, le bulletin diocésain, en date du 8 décembre 1918, fête de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie, rappelle que « la paix si ardemment désirée, si impatiemment attendue est revenue… Nos implacables ennemis sont humiliés ; les superbes mordent la poussière ; l’orgueilleux souverain qui rêvait de l’universelle domination est battu ; il a plié les genoux, il a demandé grâce ! Devant ce fait prodigieux un double devoir s’impose aux cœurs français : merci à Dieu ; merci à nos soldats ! C’est Dieu qui a donné la victoire, mais les soldats ont bataillé. 
Et d’écrire encore : « Nous les avons suivis durant quatre ans, le cœur angoissé ; nous les avons vus toujours égaux à eux-mêmes ; toujours à la hauteur de leur terrible tâche. Ah, réjouissez-vous soldats de France. Les annales de notre pays ont des pages admirables, pleines de hauts faits et d’actions éclatantes, comme aucun peuple n’en peut montrer : vous avez fait, vous, les champions de la justice et du droit, ce que l’on ne vit jamais ; vous vous êtes élevés aux plus hauts sommets de la gloire ; vous avez sauvé la France et la civilisation ! »… « Merci, merci, soldats de France ; morts connus ou ignorés, vous vivez à jamais dans notre impérissable souvenir. Ne troublons pas leur sommeil ; berçons-le plutôt de nos prières émues et de nos mercis reconnaissants… ».
Mais comment les exalter et les glorifier, se demande l’évêque de notre diocèse ? « Nous avons pensé que Marseille, qui doit tant au Sacré-Cœur de Jésus, ne pouvait mieux faire que de lui élever une nouvelle église, qui par ses proportions grandioses et sa splendeur architecturale, serait un vrai monument de gratitude et de gloire… et sur le granit de son fronton, nous graverons d’une main pieuse cette dédicace que les siècles liront : « Au Cœur Sacré de Jésus et aux morts de la  grande guerre, Marseille reconnaissante ». 
Depuis, une autre guerre retardera la construction de l’église ; il faudra attendre le 5 mai 1947, pour qu’elle soit consacrée mais non terminée ; ainsi le Monument aux Morts, ce grand clocher qui devait être élevé en fanal, dans le jardin tout proche, supporté par 4 poilus, dont la lumière ardente devait briller jours et nuits pour rappeler le sacrifice des soldats de France et de Marseille ne fut malheureusement pas construit.
En cette messe du souvenir, alors que l’UNC fête son centenaire, nous allons déposer sur la patène avec l’hostie, les âmes de nos soldats morts pour la France, que ce soit lors des deux grandes guerres, ou en Indochine, au Vietnam, en Algérie et dans d’autres lieux d’interventions, sans omettre de prier le Seigneur Jésus pour la paix. 
En conclusion, je voudrais rappeler le souvenir de cette prière à la Sainte Vierge trouvée dans le bréviaire du Bx. Père Daniel Brottier et qui fut méditée et priée par de très nombreux soldats. 
« À l’heure de ma mort, ô Marie, que j’aurais tant de fois invoquée, soyez près de ma couche. Soyez-y, comme y serait ma mère si elle vivait encore. Peut-être que ma langue paralysée ne pourra plus prononcer votre nom, mais mon cœur le redira toujours. Je vous appelle maintenant pour ce moment redoutable. Serai-je seul ? ; Expirant loin de tout secours, seul sans une main aimée pour me fermer les yeux ; je mourrai souriant, parce que vous serez là. Je l’espère, je le crois, j’en suis sûr » !
Chers Frères et Sœurs, que le Seigneur touche nos cœurs pour qu’ils les rendent ardents à faire le bien. 
Que tous les soldats défunts reposent dans la paix. 
Amen. 
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(*1) Mgr Jean-Pierre ELLUL, Aumônier de l'AACLE de Marseille - Provence
Chevalier de la Légion d'honneur
Chevalier de l'Ordre National du Merite 
Grand Officier de l'Ordre du Saint Sépulcre
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Propos recueillis par Constantin LIANOS
(Nota : l'homélie prononcée fait foi ) 
© Photos et texte (droits www.monsieur-legionnaire.org )
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